Le racisme au Canada

« Ce que j’ai appris, c’est de ne pas essayer d’être une autre. Être moi-même, c’est déjà suffisant ».png

Je ne sais pas pour vous, mais avant de venir au Canada, pays dans lequel je n'avais jamais mis les pieds avant de tout simplement m'y installer lol, j'avais une vision du Canada, d'un pays très ouvert, pas vraiment raciste, sans jugements, non discriminatoire, non violent, bon oui je vivais au pays des bisounours, je l'avoue haha !

Au bout de près de 5 ans dans le pays, ce que je peux vous dire c'est qu'effectivement le Canada est tout de même plus ouvert d'esprit que la France sur certains points, notamment l'apparence (tatouages, piercings, couleur de cheveux, façon de s'habiller, etc.). Aussi, un phénomène encore plus accentué dans le Canada anglophone, les hommes abordent très rarement les femmes dans la rue ou les transports. Du coup, je ne me suis jamais réellement sentie en danger en rentrant seule la nuit en métro ou en bus, contrairement à Paris où, après 22h, si je n'étais pas en voiture, je ne sortais carrément pas.

Mais bref, revenons au sujet principal. Ce qui m'a frappée de plein fouet à mon arrivée, c'est l'histoire du Canada avec les autochtones (Premières Nations, Inuits, Métis). Premièrement, je n'avais pas conscience qu'il y avait encore pas mal de peuples autochtones au Canada (je pensais qu’ils étaient tous dans le Nord et qu’ils se comptaient à peine par milliers mais en fait ils représentent près de 5% de la population canadienne), deuxièmement, je suis très surprise de voir que beaucoup de SDF que je croise dans la rue et dans le métro, sont des autochtones, troisièmement, je suis encore plus étonnée de la façon dont le gouvernement et la population en général les traite. En effet, je découvre alors une facette très sombre du Canada.

Je commence donc à faire quelques recherches, et à m'y m'intéresser de plus près. J'apprends les cas de femmes autochtones tuées et/ou disparues jamais résolus, de pensionnats dans lesquels des milliers d'enfants ont été envoyés afin d'être déracinés et dans lesquels sévissent toute sorte d'abus (beaucoup d'entre eux ne reviendront jamais auprès de leur famille), d'enfants qui ont été littéralement vendus, de la pauvreté, du manque de ressources, d'eau potable (NOUS SOMMES AU CANADA !!!) qu'ils subissent, et bien d'autres. Wow, je tombe de haut. Même si je ne suis pas touchée directement par ce racisme, en tant que personne racisée, je compatis et suis totalement choquée du traitement des communautés autochtones qui sont tout de même, des descendants des peuples natifs. Nous sommes chez eux, sur la terre de leurs ancêtres, et ils sont totalement méprisés, oppressés et maltraités.

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Une belle fresque du boulevard Saint-Laurent

Lors de ma deuxième semaine à Montréal, je suis toujours dans un processus de découverte de la ville, et donc je prends des bus au hasard, histoire de voir les différents quartiers. Alors que je suis dans un bus dans le coin de Verdun, une femme blanche peut être dans sa soixantaine s'assoit à côté de moi. Elle commence à me parler, me demande d'où je viens etc. La conversation est plutôt agréable au premier abord. Quand elle me sort une phrase du type "vous les noirs ça va, par contre les arabes, les musulmans là, depuis qu'ils sont arrivés, c'est le bordel". Là, elle m'explique qu'une amie de sa fille est en relation avec un musulman et que ça se passe mal, qu’il l'empêche de sortir, etc, etc. Je ne sais pas où je suis, mais je décide de descendre du bus et de stopper la conversation. À ce moment-là, je me dis "ah donc il ont aussi ce discours là ici, et merde !".

Et puis peu à peu, ici et là, en commençant à m’intéresser aux actualités de mon nouveau pays et de ma nouvelle ville, je découvre des affaires de bavures policières (tiens donc, ici aussi), des dérapages à la télé (« je suis pas le nègre de maison » #occupationdouble), des articles de presse au ton douteux et puis surtout, je vis moi même une expérience de discrimination à l’embauche.

Je vous explique brièvement, quelques semaines après mon arrivée à Montréal, comme beaucoup de gens, je cherche un travail, notamment dans mon domaine (tourisme/hôtellerie). Pendant mes recherches, je tombe sur un poste de chargée de clientèle pour un logiciel de gestion hôtelière (les clients sont les hôtels). J’ai travaillé durant deux ans à Paris avec ce logiciel, et à ce poste je m’occupais de la gestion d’une centaine d’hôtels sur ce logiciel. En gros, j’ai toutes les qualifications requises. D’ailleurs, j’obtiens rapidement une entrevue. Pour moi tout se passe bien, je leur donne même une référence de mon ancienne bosse à Paris. Celle-ci m’écrit pour me dire qu’elle m’a fait une super recommandation et qu’elle espère vraiment que j’aurai le job. Je ne l’ai pas. Je demande les raisons, apparemment je manque d’expérience en service à la clientèle (j'ai tout de même 5 ans d'expérience à ce moment-là). Bon ok, pas de problème. Je trouverai tout de même un emploi dans mon domaine un mois plus tard.

À la suite de mes 6 mois à Toronto, je me réinstalle à Montréal à l’été 2017. Je cherche donc à nouveau un job. Le même job s’affiche au même moment. J’envoie mon CV, à peine 2 heures après, la directrice de l'entreprise (que j'avais rencontrée) me rappelle en me disant, que j’ai un super CV et qu'elle aimerait me rencontrer au plus vite. Elle me demande mes dispos, et si je connais l’adresse du bureau. Et là je lui réponds "oui j’étais déjà venue, nous nous étions rencontrées en novembre 2015." Elle me dit d'un air surprise "ah bon vous êtes déjà venue ? Laissez-moi me souvenir... [changement de ton] Ah oui je me rappelle de vous !"

À ce moment là, je lui demande ses disponibilités, et là elle me répond qu’elle me contactera par e-mail. Deux jours passent, pas de nouvelles, je relance. Elle me répond "finalement il n’y aura pas d’entrevue." Je suis très surprise, et là je me remets totalement en question. De quoi s’est-elle rappelée ? L’entrevue s’était pourtant bien passée, qu’est ce qui a cloché ? J'ai été polie, souriante, bien présentable, je n’ai pas été sur la défensive, c’était un échange agréable (selon moi). Pourquoi n’a t-elle même pas voulu me revoir alors que je possède une expérience de plus dans l'hôtellerie, qui plus est au Canada, à Montréal, pourquoi ?

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Puis je n'ose pas me l’avouer mais je me le dis quand même : c’est peut-être parce que je suis noire. Vous me direz que c’est peut être un peu poussé mais mettez-vous à ma place. À la vue de mon CV, j’ai toutes les qualifications requises pour le poste, elle l’a dit elle même « vous avez un superbe CV ! ». Mais quand elle s’est rappelée de moi, son ton a radicalement changé. Elle s’est rappelée que je suis noire. Je ne saurai jamais la vérité mais je suis profondément convaincue que c’est ma couleur qui a posé problème dans cette histoire.

C'est donc partout pareil. Plus de 150 ans après l'abolition de l'esclavage, nous en sommes encore là. D'ailleurs, si vous ne le saviez pas, la communauté noire a également été victime de ségrégation raciale au début du 20e siècle au Canada, et en 1910, une loi sur l'immigration, interdisant l'admission d'immigrants issus "d’une race jugée inadaptée au climat ou aux exigences du Canada" est entrée en vigueur, et n'a été changée que dans les années 1960. Par ailleurs, plus je fais connaissance avec des femmes noires nées à Montréal ou ayant immigré très jeunes, plus je découvre à quel point elles ont été victimes de racisme notamment dans les années 70, 80 et 90.

Aujourd’hui, on en est où ? Si vous suivez un peu les actualités, vous avez dû bien voir que le gouvernement fédéral a reconnu qu’il y a du racisme systémique au Canada. Au Québec, par contre, on semble encore être dans le déni (n’est ce pas M. Legault), mais la vérité est que les discriminations raciales sont encore bien présentes et persistantes dans la société québécoise. Le gouvernement provincial semble vouloir régler la chose par le biais de la création d’un groupe d’action contre le racisme envers les minorités et les autochtones, co-présidé par deux ministres noirs. Bon, c’est déjà ça vous me direz, mais est ce que ça va véritablement changer les mentalités et les comportements discriminatoires envers les personnes racisées ? Permettez-moi d'en douter...

Et vous, quelle est votre expérience du racisme au Canada ?

Nanoushka.

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