La peur de devenir mère
À l’aube du 7e anniversaire de la mort de ma mère qui aura lieu à la fin de ce mois-ci, je réalise à quel point je crains la maternité.
À mon âge, ma mère était déjà mère. Elle a eu mon frère à 29 ans, et m’a eu à 35. Pourtant, j’ai encore beaucoup de mal à me projeter en tant que mère. Le désir de maternité et de grossesse est là, mais pourtant paradoxalement, l’idée d’avoir des enfants m’effraie quelque peu. J’ai d’ailleurs eu cette conversation avec une amie récemment, et nous exprimions notre crainte quant à l’accouchement, aux contractions, à la déformation du corps, aux éventuelles complications, au post-partum, au fait que ton enfant devienne ta priorité, au fait que ta vie de couple soit bouleversée, et bien d’autres. Également, la fausse couche que j’ai vécu à l’âge de 23 ans me fait parfois douter quant à ma capacité de mener une grossesse à termes.
Mais pour en revenir à la maternité, je dois avouer que le fait que ma mère soit décédée ajoute un niveau de crainte. J’ai de très bonnes amies mamans, des cousines, des tantes, une belle-maman en or, mais personne ne remplacera ma propre maman. Et ça, c’est une réalité que je ne peux nier. Ne pas avoir son soutien, son aide, son réconfort, ses remèdes, ses conseils, lorsque viendra mon tour d’assumer mon rôle de mère, j’ai beaucoup de mal à m’y faire. On me dit souvent, et mon conjoint le premier, que je serai une bonne mère, que j’ai cet instinct naturel de m’occuper et me préoccuper des personnes à qui je tiens. Je n’ai pas trop de doutes là-dessus, à vrai dire, ce n’est pas tant la maternité en soi qui me fait peur, mais plutôt le fait d'être dépassée par elle.
Je suis encore dans une phase de surmenage dont je te parlerai quand je serai prête. Je traverse une période où presqu’un jour que deux rime avec épuisement, dépassement, morosité. Et ce dont j’ai peur, c’est que je vis tout cela alors que je ne suis même pas encore mère, et que je n’ai aucune responsabilité vis-à-vis d’un être autre que moi-même. Qu’est-ce que cela donnera quand j’atteindrai mes limites mais que je devrai me préoccuper des mes enfants ? En serai-je même capable ? Comment toutes ces autres femmes font-elles ?
Tu sais, il y a cette nouvelle tendance des “mompreneures”, ces femmes qui sont à la fois mères et entrepreneures. Il y a aussi ces femmes qui sont à l’école, qui travaillent et qui sont mères. J’ai beaucoup d'admiration pour elles, mais quand j’y pense, je me dis que j’en serais totalement incapable. Trop de gestion, de stress, de fatigue. En fait, j’ai réalisé que la maternité c’était en quelque sorte, des choix et sacrifices à faire.
Je ne sais pas si tu as regardé la série limitée Maid (dispo sur Netflix), mais si tu ne l’as pas fait, je te la conseille vivement. La série raconte l’histoire d’une jeune mère qui décide de quitter son conjoint car il est alcoolique et l’abuse psychologiquement. Le problème c’est qu’elle dépendait entièrement de lui, donc elle doit trouver des moyens de survie pour elle et sa fille. Quand je regardais ce show, à chaque fois je me disais que les choses auraient été tellement plus simples pour elle si elle n’était pas mère ! Je voyais sa fille comme un fardeau dans sa vie, et pourtant, c’est comme si son principal moteur, c’était justement l’amour qu’elle portait à sa fille.
Est-ce que c’est cela que ça produit la maternité ? Une force et une résilience hors du commun ? Est-ce que devenir mère c’est devenir une “superwoman” ? Dans mon épisode La mère célibataire, je t’expliquais comment ma mère incarnait justement cette force et cette résilience, celle de la fanm poto mitan. En revanche, ce n’est pas ce que je cherche. Selon moi, l’idée qu’avoir des enfants c’est forcément s’oublier et tout sacrifier pour ses enfants, ne correspond pas à ma vision de la maternité. Pourtant, j’ai l’impression que dans de nombreux cas, c’est ce qui arrive, surtout aux femmes afro-caribéennes. J’aimerais être en mesure de briser ce cycle, et de choisir ma propre façon d’être mère, et non la subir.
Parfois, je me dis que je ne suis peut-être pas faite pour ça. Quand je vois aujourd'hui de plus en plus de femmes qui témoignent sur leur regret d’avoir été mère, c’est quelque peu apeurant. Mais en même temps, comme écrit au début de l’article, je ressens en moi le désir de donner la vie.
Depuis mes 30 ans, je traverse une phase importante en matière de changements dans ma vie. Et c’est sûrement cela qui me pousse à me poser autant de questions quant à la suite, et surtout, quand à cette décennie durant laquelle je vais très probablement prendre des décisions qui changeront ma vie à tout jamais. Je m’étais dit que j’aimerais avoir mon premier enfant vers 33-34 ans, il me reste donc 2-3 ans.
2 à 3 années pour me préparer mentalement et physiquement, pour soigner certaines douleurs et certains traumatismes, mieux contrôler ma nutrition, mieux écouter mon corps, mieux me connaître, mieux connaître mes limites, et surtout trouver le meilleur équilibre possible.